Philippe Fretz et les fleurs safranées de l’art

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24 Heures, le blog "de l'art helvétique contemporain", lundi 5 octobre 2015
Philippe Fretz, Le vestibule des lâches, édition établie par Alexandre Loye et l’auteur, collection Re:Pacific, art&fiction, Lausanne, 2015.

 

N’étant pas dans le même monde - quoique baignant dans le brouet commun de l’art – que ses comparses le héros de Philippe Fretz semble voir son destin jouer d’avance. Mais par un savant cocktail de vacheries nécessaires l’auteur rend coup pour coup à ceux qui le font victime consentante de leurs prébendes. Dans son périple chaque moment de défaite ou de faiblesse devient celui  d’un ressaisissement intérieur. Peu à peu se posent de vraies questions sur la République des arts. Elle est mise à nu même si elle sait  au besoin sait garder ses slips sales dans ses coffres.

Le roman est rapide. Mais il reste bien  plus qu’une esquisse du monde de l’art dans un Genève (même si la ville n’est pas implicitement impliquée – quoique…) qui veut se situer - du moins selon ses acteurs artistiques de diverses natures) -comme pivot du monde. « Le vestibule » devient le prétexte à un dégommage oscillant entre crocs acérés, repli dépressif ou joyeux laisser-pisser. La plume fretzienne cavale: elle fait parler les masques - et ceux-ci crèvent les yeux. La morale n’est pas sauve. Elle n’a d’ailleurs pas grand chose à voir dans ce magma. Chacun - les lâches comme les autres - ont à y trouver place, refuge,. L’humour et la feinte naïveté créent une fragrance particulière.  La divagation devient elle-même le prétexte à un resserrement du récit où les Lucien de Rubempré et les Verdurin des Beaux Arts font florès. Leurs accrocs créent moins des chiasmes qu’une synthèse inédite en une cours abbatial postmoderne. Fretz régale en caressant  autant le vénéneux que le velours. Dans ce roman  allégorique et à clés qui ne cesse de dépoter les dialogues deviennent les fleurs safranées et énigmatiques des cendres des illusions à perdre ou à retrouver.

Jean-Paul Gavard-Perret