In medias res : le peintre, ses histoires

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24 Heures, le blog "de l'art helvétique contemporain", jeudi 25 juillet 2013
Philippe Fretz, In medias res #1, idiots et moines, accompagné d'un texte de Georges Didi-Huberman, art&fiction Lausanne

Scrutateur des temps passés (mais pas seulement) Philippe Fretz crée des tableaux qui mêlent à la fois des souvenirs intimes et personnels à de nombreuses références. Elles traversent l’histoire de l’art de Giotto et Mantegna à Garouste et Balthus. L’artiste ne s’en cache pas. Ce maniaque des références les multiplie jusqu’à perdre le spectateur.
De l’ancienne usine de robinetterie Kugler de Genève qui est devenue une sorte de « Ruche » artistique du nouveau siècle l’artiste monte des narrations labyrinthiques où sous l’apparat historique sont mises en évidences bien des thématiques autant sociétales, politiques qu’esthétiques.
Par la pratique du  dessin et de la peinture Philippe Fretz pousse la pensée où elle ne se pense pas encore. Elle se crée en avançant dans ce que l’art garde d’intempestif. Il ne s’agit pas de faire de l’image une simple chimère ou une caresse du regard. Chaque surface doit permettre de pénétrer à l’intérieur, de franchir un « seuil » - concept cher à l’artiste.

In medias res est une publication qui l’illustre. Le  rythme de parution sera  quadrimestriel et le tirage de 60 exemplaires avec une sérigraphie signée imprimée sur les presses de Christian Humbert chez Droz à Genève. L’objectif est triple : plonger le spectateur au milieu d’images,  appréhender celles qui restent à faire et proposer l’état du travail en cours. L’artiste résume sa proposition de la manière suivante : « L’action consiste en un flux nucléique d’images que le peintre transforme en un réseau de canaux ou en arborescence à la manière d’un paléogénéticien ». Chaque numéro va regrouper des œuvres de Fretz et les documents iconographiques qu’il croise - dit-il - « qui le nourrissent ou l’affament » et qui sont souvent la généalogie de ses propres créations.

En elles les références sont toujours décalées dans un temps différent et différé. Il ne s’agit pas de dupliquer du semblable mais au contraire de proposer une critique du cirque des images médiatiques. Preuve que l’art ne copie ni le réel, ni ses représentations officielles. Face aux prétendus invariants d’une culture médiatique Philippe Fretz offre ses transgressions à l’aide d’artifices et d’artefacts tirés d’aujourd’hui mais tout autant d’autres époques.
Ce voyage extra temporel et d’extra-conjugalité par rapport au tout venant iconographique permet de présenter aux spectateurs curieux une ouverture des leurs délimitations intellectuelles. Par de tels passages Philippe Fretz entraîne dans les canyons d’un espace où l’inconscient ne peut plus su défiler. La fausse évidence des images toutes faites est rendue à son opacité par un tel retour en amont.

Jean-Paul Gavard-Perret