Maison de l’être, forteresse vide, jardin des délices

type d'œuvre: 
date: 
propriétaire: 
lieu de propriété: 

 

24 Heures, le blog "de l'art helvétique contemporain", jeudi 17 avril 2014
Philippe fretz, In medias res #3, Tours et enceintes, accompagné d'un texte d'Alessandro Mercuri, art&fiction, Lausanne

L’usine Kugler fut un monument de l’industrie suisse. De la manufacture Genevoise, à la jonction de l’Arve et du Rhône sortaient des robinets qui furent à cette fabrication ce que les Rolex sont à l’horlogerie. Depuis sa fermeture d’autres orfèvres ont pris la place. Une communauté d’artistes trouve une enceinte dans la tour centrale là où était la cheminée de la fonderie. Philippe Fretz en fait partie. Pour In medias res III  et autour du thème « Tours et enceintes »  l’artiste propose un hommage au lieu à travers huit peintures. Derrière l’architecture de l’usine représentée sous des angles qui souligne sa monumentalité s’inscrit - dans une histoire de paysage et de la peinture figurative et architecturale -  une  archéologie d’un édifice devenu- en changeant de statut - un endroit de création intense.  Là où les formes manufacturées sortaient standardisées,  des propositions en rupture non seulement de formes, de signification  et d’espace apparaissent au sein d’une communauté qui donne à ce lieu de Genève l’aspect d’une nouvelle « Ruche ».

Pour ce numéro trois et sa démonstration en actes, Philippe Fretz confronte deux arcanes du tarot : la Maison-Dieu (symbole de l’orgueil ou du courage) et la Tempérance (symbole de l’humilité et parfois de la pusillanimité). Si bien que ces deux lames restituent la vie des artistes... Par ailleurs l’architecture des maisons, des tours et des enceintes ramène dans la symbolique de l’Imaginaire - si bien, éclairée par Gilbert Durand -  à la maison de l’être. Certes la tour (World Trade Centers de jadis, gratte-ciels de Shanghai et Dubaï aujourd’hui) comme les enceintes (Pentagone, Palazzo Sforza) renvoient à la puissance terrestre ou jadis religieuse. Mais  - entre verticalité et horizontalité - l’arborescence et l’étendue rhizomatique et géométrique s’y font plurielles. Philippe Fretz en fait le tour et l’écrivain Alessandro Mercuri en propose une lecture poétique. Il prouve combien dans les arcanes de tout édifice architectural et humain l’odeur de sainteté peut cacher bien des diables. Entre puissance phallique et enceinte matricielle, Philippe Fretz montre comment - par leur hymen - peut naître des structures moins sommaires ou primairement sexuelles. Surgissent des usines et des châteaux puis des palaces et des jardins de délices dont le bâtiment Kugler devient à la fois l’aîné en filiation et le parangon.

Jean-Paul Gavard-Perret